Sel de la terre, lumière du monde – 26.7.2015

Évangile : Matthieu 5, 13 à 16

Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes.

Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ; et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.

 

Je me demande si, en entendant ces versets – comme bien d’autres passages des Écritures – nous mesurons bien la portée de ce qui nous est dit ! Probablement entendons-nous ici quelque chose du genre : vous avez une mission, il faut que vous éclairiez le monde qui est dans les ténèbres, il faut que vous donniez – ou redonniez – au monde sa saveur. Et il faut ça, sous-entendu, pour être de bons chrétiens… c’est-à-dire pour être du bon côté le jour où quelqu’un viendrait faire un tri entre les uns et les autres.

Mais ça sort d’où, ça ? Parce que ce n’est pas, mais alors pas du tout, ce que nous rapporte Matthieu ; ce n’est pas, mais alors pas du tout, ce que dit Jésus !

Jésus ne dit rien d’autre que : vous êtes ! Sans condition préalable et sans condition en termes de conséquences ! Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde ! Et s’il faut entendre un appel, alors ce n’est que celui-ci : soyez qui vous êtes ! Ne travestissez pas votre être à force de personnage, rôle ou masque. Un peu comme l’entraîneur d’une équipe de foot dirait à un de ses joueurs : tu es un attaquant ! Sous-entendu : sois qui tu es, ne traîne pas dans ta propre surface de réparation ! Ou comme on dirait à un enfant : tu es un enfant ! Sous-entendu : sois qui tu es, ne te complique pas l’existence avec les petites cases des adultes qui pensent et disent sans cesse « non » ; non, ne dis pas ceci ; non, ne fais pas cela ; sois qui tu es au fond du cœur… alors parle, chante, joue, danse !

Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde ! Vous êtes, tous ensemble et chacun, vous êtes porteurs de toute la saveur et de tout l’éclat de la création juste et bonne qu’a voulue Dieu !

Oui, mesurons-nous bien la portée de ces paroles ? Il n’y a rien à chercher, rien à faire, rien à obtenir, rien à performer. Rien. Juste à être ce que nous sommes. Et c’est dans la même veine que Paul nous dit, dans le mot d’ordre de la semaine : vivez comme des enfants de lumière ! Juste avant il dit : vous êtes lumière. Même mouvement donc : voilà ce que vous êtes – eh bien, vivez-le !

Vous pouvez suivre ainsi le fil de toutes les Écritures :

  • Vous êtes créés à l’image de Dieu, porteurs de son souffle ; soyez qui vous êtes…
  • Vous êtes libérés de l’esclavage, vous êtes libres ; soyez qui vous êtes…
  • Vous êtes concitoyens des saints, de la famille de Dieu ; soyez qui vous êtes… (mot d’ordre de la semaine dernière)

 

Jésus est venu réaligner l’humanité sur ce qu’elle est dans le projet initial du Créateur. Non pas changer la donne, mais la réinitialiser. Comme on le ferait d’un ordinateur dont on supprime tous les programmes inutiles voire nuisibles qui se sont installés avec le temps.

Il est venu nous réaligner sur qui nous sommes en vérité – vous le savez, la notion biblique de péché, en hébreu comme en grec, ne signifie rien d’autre que la perte de l’alignement.

Il est venu nous dire, nous redire qui nous sommes, pour que nous puissions simplement être qui nous sommes.

 

Simplement… Tout est là ! Parce que voilà, c’est à la fois simple – peut-être trop ? – et pas simple du tout !

Trop simple… Il nous est apparemment difficile d’accepter que le message soit aussi simple. Comme si le « trop simple » rendait la chose suspecte.

Alors au fil des siècles, l’humanité a brodé autour de ce message ; elle en a fait des tonnes sur le mode des lois morales, des pratiques religieuses et autres fioritures qui nourrissent le besoin de complexité qui nous dévie de l’alignement.

Parce que ce n’est pas simple du tout d’accepter la simplicité ! Peut-être à cause de l’ennemi ultime qui est, je crois, la peur. La peur de n’être pas assez, pas assez bien – pas aussi bien que d’autres. (cf. Caïn et Abel, Babel…)

Ce n’est pas pour rien que la Bible nous dit 365 fois N’ayez pas peur. C’est pour que chaque jour à nouveau nous puissions réaligner notre vie sur ce que nous sommes : si la peur nous dévie de l’alignement, nous réaligner bannit la peur !

 

Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde ! Jésus est venu nous redire qui nous sommes en vérité, pour nous apprendre à simplement être qui nous sommes.

C’est ce qu’il fait dans la suite du sermon sur la montagne, avec toutes les paroles de contraste construites sur le mode : vous avez entendu… mais moi je vous dis… Et il n’y a dans toute sa prédication pas d’autre appel, pas d’autre impératif que celui-là. Parce que celui-là est l’appel ultime ; il est l’appel à la véritable conversion.

Convertissez-vous ne signifie, en réalité, rien d’autre que Revenez !

Revenez… à vous-mêmes, à qui vous êtes en vérité, à qui vous êtes profondément ! Revenez à vous – comme on se réveille d’une inconscience passagère… comme on reprend ses esprits…

 

Je vous invite à essayer concrètement de faire cette expérience. Cet après-midi, demain, dans les jours qui viennent… quand les choses vous paraitront compliquées, quand vous aurez l’impression d’être devant un vrai problème…

Revenez…

Revenez à vous-mêmes…

Revenez à la conscience d’être la créature de Dieu, formée par lui à son image, animée par lui de son souffle, libérée par lui pour la liberté ultime d’être vous-mêmes.

Revenez à cette identité initiale qui ne connaît ni personnage, ni rôle, ni masque…

Revenez au silence intérieur qui ne connaît pas de peur…

Revenez à qui vous êtes dans la Création initiale où il n’y a ni complexité ni problème.

Revenez à vous et soyez vous-mêmes : c’est la plénitude de vie pour laquelle le Créateur vous a formés et animés.

 

Amen.

Prédication du culte d’installation du pasteur Marc Muller – 18.11.2012

C’est la fin de l’année liturgique… ou presque : dimanche prochain sera le dernier dimanche !

C’est le commencement de mon ministère ici… ou presque : ça fait bientôt quatre mois que je suis parmi vous.

Commencement… et fin…

* * *

La vie est faite de choses qui finissent ! Oui !

Autour de moi… Dans ma vie… Et en moi aussi…

Des choses qui finissent d’elles-mêmes, qui déclinent, s’épuisent et s’éteignent parce qu’elles arrivent tout naturellement à leur terme…

Et puis des choses qui finissent malgré moi, que j’aimerais mais ne puis retenir…

Des choses, aussi, auxquelles je mets fin, par choix volontaire et conscient, parce que je sais ou que je sens qu’elles me paralysent…

Autour de moi, dans ma vie, et en moi aussi : il y a des morts… il y a des déchirements… il y a des renoncements…

Et peut-être, au fil de mes mots, avez-vous pu ressentir, toucher du doigt ou même nommer des choses, des choses qui finissent… autour de vous… dans votre vie… et en vous aussi…

*

Et la vie est faite de choses qui commencent ! Oui !

Autour de moi… Dans ma vie… Et en moi aussi…

Des choses qui commencent d’elles-mêmes, qui germent, poussent, prennent forme et vie parce que c’est tout naturellement le temps pour elles…

Et puis des choses qui commencent malgré moi, que j’aimerais mais ne puis contenir…

Des choses, aussi, que je commence, par choix volontaire et conscient, parce que je sais ou que je sens qu’elles me font avancer…

Autour de moi, dans ma vie, et en moi aussi : il y a des naissances… il y a des irruptions… il y a des coups d’envoi…

Et peut-être, au fil de mes mots, avez-vous pu ressentir, toucher du doigt ou même nommer des choses, des choses qui commencent… autour de vous… dans votre vie… et en vous aussi…

*

Alors, à vous comme à moi, il vient parler, aujourd’hui ; dans nos fins, dans nos commencements, dans nos passages et nos entre-deux aussi ; celui qui est le Premier et le Dernier ; celui qui fut mort et qui est revenu à la vie. Celui qui, dans le même livre de l’Apocalypse, dit : Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin.

Avec ces mots, il me dit, peut-être, son caractère absolu, Tout-Autre, éternel, tout-puissant … qui il est et que je ne suis pas… et qu’il est là où je ne suis pas… Peut-être…

Mais aujourd’hui, dans mes fins, dans mes commencements, dans mes passages et mes entre-deux… je l’entends me dire, avec ces mêmes mots – et c’est une bouffée d’oxygène qui me fait respirer encore et respirer à nouveau – je l’entends me dire : là où tu es, je suis !

Oui, je l’entends me dire : dans tes fins – celles que tu accueilles, celles que tu subis, celles que tu choisis… dans tes morts, dans tes déchirements, dans tes renoncements… je suis avec toi. Là où tu es, je suis !

Et je l’entends me dire : dans tes commencements – ceux que tu accueilles, ceux que tu subis, ceux que tu choisis… dans tes naissances, dans tes irruptions, dans tes coups d’envoi… je suis avec toi. Là où tu es, je suis !

* * *

Pause musicale

* * *

Parce que, voilà… Celui qui parle là sait de quoi il parle quand il parle de fin et de commencement. Parce qu’il est allé jusqu’au bout… jusqu’au bout du bout, jusqu’à l’extrême…

Oserais-je vous dire qu’il est allé jusqu’à l’extrême gauche… ? Oui, j’ose, parce que je ne parle pas de politique !

Sur la croix, il a prononcé mon jugement, le jugement dernier a eu lieu à Golgotha ; un jugement qui ne dit pas l’innocence mais proclame une libération inconditionnelle, l’absence de toute peine.

Ce faisant, oui, il est allé jusqu’à l’extrême gauche, jusqu’à l’extrême gauche de la fresque du jugement dernier avec ses brebis et ses boucs : non, il n’y a personne, il n’y a plus personne à sa gauche ; tous, nous sommes à sa droite ; nous sommes tous des brebis de son troupeau, des brebis à qui il dit : venez, vous que mon Père bénit.

Voilà que maintenant j’entends tout autrement cette parole qui pouvait me sembler pesante : sois fidèle jusqu’à la mort.

Non pas : sois fidèle d’une fidélité sans faille, dût-elle te conduire à la mort ; Dieu ne demande à personne d’aller à la mort pour prouver l’absolu d’une fidélité qui ne serait que soumission.

Mais bien plus : jusqu’à la mort, c’est-à-dire : tant que tu vis… jusqu’au bout… de tes commencements jusqu’à tes fins, et de tes fins jusqu’à tes commencements et recommencements, sois fidèle !

– Sois fidèle, toi… !
– Moi ?
– Mais non, pas toi… Toi ! Enfin vous, si tu comprends mieux ainsi. Toi, mon troupeau !

Car voilà, c’est à une Église, c’est à son Église qu’il parle ainsi !

Une parole qui libère, qui me libère, en tant qu’elle engage, qu’elle nous engage ; nous ; moi avec vous, vous avec moi.

Et à quoi donc ?

Elle nous engage d’abord à écouter ce que l’Esprit dit aux Eglises. C’est-à-dire à poursuivre une recherche active de l’incarnation concrète à donner à notre cheminement avec le Vivant, à la suite du Vivant. Une recherche active dans notre écoute de la Parole qui nous est adressée ; une écoute renouvelée, qui mette le mot « fin » à ce que nous croyons savoir et avoir compris une fois pour toutes, pour que nous puissions connaître de nouveaux commencements dans notre mission d’Église.

Parce qu’elle nous engage, cette Parole, à être témoins ; témoins en paroles et en actes ; seule façon de servir le Vivant en servant les vivants, nos sœurs et frères, les plus petits d’entre eux en premier.

Qui sont-ils ? Oh ! ils sont si nombreux ! En quatre mois, j’en ai rencontré, des petits, des plus petits !

J’ai rencontré des affamés et des assoiffés, à nourrir et à désaltérer… de pain et d’eau fraîche, mais pas seulement : à nourrir et à désaltérer de beau et de bon, de sens !

J’ai rencontré des malades et des prisonniers, à visiter… non pas pour leur porter notre bonne parole mais une parole qui guérit et libère, non pas pour leur montrer notre chemin mais pour les accompagner sur leur chemin, les y accompagner pour le leur rendre possible, viable, humain !

J’ai rencontré des dénudés à habiller… non, je n’ai rencontré personne qui n’ait de quoi se vêtir, mais des gens qui se sentent mis à nu par des regards et des paroles qui jugent et qui condamnent, des gens qui aspirent à rester revêtus de leur dignité d’enfants du Vivant, et à se réchauffer d’une fraternité réellement humaine, à l’image de celle dont le Vivant s’est fait l’exemple.

Et peut-être, au fil de mes mots, avez-vous pu laisser vos cœurs se peupler de noms et de visages, ici ou là.

Alors, écoutons-le nous dire Va et fais de même… ou encore Faites ceci en mémoire de moi.

Faites ceci… c’est-à-dire donnez-vous comme je me suis donné, donnez-vous sans limites, ou plutôt donnez-vous avec vos limites, avec vos fins et vos commencements, pour que je sois vivant, pour que je sois le Vivant parmi vous, en vous et autour de vous.

*

Sois fidèle… et je te donnerai la couronne de vie.

Non pas sois fidèle pour que je te donne la couronne de vie.

Sois fidèle… parce que je couronne ta vie – et que personne, pas même et surtout pas toi – que personne ne te prenne cette couronne que je te donne et te redonne, de commencements en fins, de fins en commencements. Cette couronne éclatante de gloire et de magnificence, cette couronne de grâce, de bonté et de miséricorde, comme la qualifient les psaumes.

* * *

Autour de moi… dans ma vie… et en moi aussi…

Autour de vous… dans votre vie… et en vous aussi…

Il y a des choses qui finissent ; nous pouvons les vivre et les laisser derrière nous… : là où nous sommes, le Vivant est là… et là où est le Vivant, là nous serons ! Dans notre fidélité, dès aujourd’hui, à notre prochain pas !

Et il y a des choses qui commencent ; nous pouvons les envisager et les vivre… : là où nous sommes, le Vivant est là… et là où est le Vivant, là nous serons ! Dans notre fidélité, dès aujourd’hui, à notre prochain pas !

Ses bontés pour nous ne sont pas épuisées ; sans fin, pour nous, elles se renouvellent !

Amen.